Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Michel Barnier veut rassurer les élus au 106ᵉ congrès des maires de France : « Il n’est ni normal ni juste de montrer les communes comme responsables du déficit »

Invité à s’exprimer en clôture du 106e congrès des maires de France, jeudi 21 novembre, le premier ministre, Michel Barnier, a donné des gages aux maires en colère contre les « ponctions » budgétaires prévues pour 2025, en lançant le coup d’envoi d’un grand chantier sur la simplification, mais sans desserrer l’étau budgétaire, leur principale revendication. Il a toutefois assuré qu’il n’était « pas normal ni juste de montrer les communes et les collectivités territoriales comme si elles étaient responsables du déficit ; ce n’est pas vrai ».
Rappelant qu’il avait dû composer un budget en deux semaines, M. Barnier a reconnu que ce texte n’était « pas parfait » et qu’il comportait « parfois des injustices ou des points à revoir ». Les maires et l’ensemble des collectivités protestent contre les 5 milliards d’euros « d’économies » prévus pour 2025, dont ils évaluent plutôt la facture entre 10 et 11 milliards, et qu’ils considèrent comme des prélèvements d’un niveau insoutenable. C’est « d’abord à l’Etat d’assumer la responsabilité du déficit actuel », a assuré Michel Barnier, sans pour autant révéler comment il s’y prendrait.
Dans l’esprit des lois de décentralisation, M. Barnier a touché une corde sensible pour les maires, en assurant vouloir renverser leur sentiment « d’être sous tutelle normative et financière » de l’Etat. Vantant les mérites des communes, une institution « profondément moderne », « repère pour nos concitoyens », il a jugé que leur vocation n’était pas d’être des « sous-traitants de l’Etat » mais « davantage des partenaires ». Le premier vice-président de l’AMF, André Laignel, avait appelé auparavant à « décoloniser » les collectivités « pour ouvrir enfin le temps des libertés locales ».
Le chef de l’exécutif lui a répondu en promettant « des lois moins bavardes, qui s’en tiennent aux objectifs généraux et qui ne cherchent pas à régler le détail ». « Nous devons mettre un terme à l’inflation normative », a martelé Michel Barnier, en assurant que la surtransposition des directives européennes serait « examinée une par une » et que certaines seraient « supprimées ». Il a également annoncé « quatre décisions importantes (…) dans les semaines qui viennent ». Une circulaire sera prise pour demander aux administrations de proposer en priorité des lois qui « fixent des objectifs » et « laissent aux autorités locales des marges pour interpréter les règles ».
Le rôle du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) sera par ailleurs accru pour clarifier les lois « bien en amont de leur présentation au Parlement » tandis que les effets des lois sur les collectivités seront intégrés à leur étude d’impact. Enfin, une simplification « du stock des normes » sera menée en matière d’urbanisme et d’environnement. Souhaitant donner « plus de liberté et des marges de manœuvre renforcées » aux quelque 4 000 élus présents, Michel Barnier avait annoncé mercredi soutenir un assouplissement de la mise en œuvre du « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN) ; il en a précisé le calendrier dans son discours de jeudi. « Nous allons travailler pour que ces nouvelles dispositions soient opérationnelles dès le premier semestre 2025 », a-t-il déclaré.
Le premier ministre a toutefois rappelé qu’il ne s’agissait « pas [d’]abandonner l’objectif » du ZAN, mais de l’« adapter quand c’est nécessaire pour atteindre cet objectif ». La mesure phare de la proposition de loi portée par les sénateurs Jean-Baptiste Blanc (Les Républicains) et Guislain Cambier (Union centriste) entend quand même supprimer un objectif intermédiaire visant à diviser par deux le rythme d’artificialisation au cours de la décennie 2021-2031 par rapport à la décennie précédente.
Autre grande revendication des maires à quinze mois des prochaines élections municipales, l’amélioration des conditions d’exercice de leur mandat fera l’objet d’un texte qui sera débattu à l’Assemblée nationale en février, sur la base d’une proposition de loi du Sénat qui sera complétée par des points « en matière de valorisation de l’articulation avec la vie professionnelle, de formation et de reconversion ». Autre gage donné cette fois aux communes rurales, l’extension du scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1 000 habitants, tandis que le premier ministre a réitéré son « ouverture » à une réflexion sur l’interdiction du cumul des mandats.
En introduction, Michel Barnier avait aussi évoqué les menaces de censure brandies par la gauche et l’extrême droite. « Le temps que j’ai devant moi, ça dépend d’une éventuelle coalition des contraires, si je puis dire, à l’Assemblée nationale. Je ne sais pas si cela se produira. J’y suis prêt. Je sais que ce n’est pas ce que souhaitent les Français, qui souhaitent aujourd’hui la stabilité, la sérénité », a-t-il ajouté.
« Les constats sont les bons, les intentions affichées sont les bonnes (…), mais sur les mesures très concrètes de prélèvements supplémentaires de l’Etat (…), on n’a pas eu de réponse et la suite dépendra de ce qu’il va sortir de la discussion au Sénat », a réagi le président de l’AMF, David Lisnard. « L’ouverture exprimée par Michel Barnier sur les sujets liés à la simplification ou au statut de l’élu ne changent rien au montant de la facture pour les collectivités, qui approche les 10 milliards d’euros », a abondé Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France.
Le gouvernement a par ailleurs relancé, pendant le congrès des maires, le « Beauvau » des polices municipales visant à élargir les prérogatives de ces policiers, inchangées depuis vingt-cinq ans. Ce « Beauvau », initié par l’ancien ministre de l’intérieur Gérald Darmanin et réunissant élus et syndicats, doit aboutir à une proposition de loi en 2025. Parmi les nouvelles prérogatives éventuelles des policiers municipaux figure notamment la possibilité de constater par procès-verbal des délits simples, de relever l’identité d’un suspect, de fouiller les coffres des véhicules, d’accéder à davantage de fichiers nationaux, ou encore d’être équipés de drones ou de moyens de désencerclement.
Devant les maires, le secrétaire d’Etat à la sécurité du quotidien, Nicolas Daragon, lui-même édile de Valence, a insisté sur l’importance du principe de libre administration des communes. « C’est aux maires de décider de ce qui concerne les effectifs, les prérogatives ou l’équipement » de leur police municipale, a-t-il assuré. « Il n’y aura pas d’obligation. » « L’Etat ne doit rien imposer », a martelé le ministre et maire, expliquant que l’objectif était de mettre à disposition des maires une « boîte à outils » dans laquelle chaque élu pourra piocher.

Le Monde avec AFP
Contribuer

en_USEnglish